Le déficit de professionnels qualifiés en soins obstétricaux ou encore le manque de structures d’accueil et de suivi de femmes enceintes ne permettent pas aux femmes du Cameroun d’accoucher en toute sécurité.
Imane et Ikrame, deux innocentes jumelles grandiront, et ne connaîtront jamais leur mère, morte en leur donnant la vie il y a quelques jours à l’hôpital régional de Garoua. Entre la douleur et la colère, les parents de la jeune Koultchoumi décédée à la fleur de l’âge sont inconsolables. Comme l’instruit la tradition musulmane, la jeune fille a été inhumée aussitôt. Cette dernière est décédée des suites de complications post-natales. Ces deux filles sont désormais entre les mains de leur grand-mère, un exercice loin d’être évident pour cette septuagénaire qui se voit ramenée bon gré mal gré à l’école de la maternité : « Je vais élever mes petites filles comme je l’ai fait avec mes propres enfants. C’est pénible à mon âge, mais l’amour d’une mère ne s’éteint jamais».
Au Cameroun, la mortalité maternelle est une tueuse silencieuse, mais à grande échelle : une femme meurt toutes les deux heures en donnant la vie. Soit 12 femmes qui décèdent chaque jour qui passe juste parce qu’elles ont voulu donner la vie ! La mort tragique de la jeune Koultcoumi comme celui d’autres milliers de femmes avant elle aurait pu être évitée si toutes les grossesses avaient été bien suivies et si tous les accouchements étaient sécurisés dans les hôpitaux camerounais. Ces derniers i s’apparentent à de véritables « couloirs de la mort » pour nos femmes.
Selon des statistiques, en moyenne 7 000 cas de décès sont enregistrés au Cameroun chaque année, en raison notamment de l’insuffisance d’une prise en charge obstétrique de qualité et l’accès difficile aux soins de santé. Héritage négatif des plans d’ajustement structurels, le Cameroun ne comptait que 129 sages-femmes qualifiées en 2011. Selon les normes de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), il faudrait au minimum 5 400 professionnels pour prendre en charge dans les conditions acceptables, les millions d’accouchements enregistrés dans les hôpitaux du pays chaque année.
La mortalité maternelle se définit comme tout décès de la femme qui survient pendant la grossesse, l’accouchement ou les 42 jours qui suivent l’accouchement. Plusieurs facteurs peuvent justifier la hausse du taux de mortalité maternelle au Cameroun. On a les causes directes telles que les hémorragies, les infections, les éclampsies, le travail obstructif, les avortements clandestins. A cela s’ajoutent aussi des causes indirectes. Il s’agit notamment des pathologies aggravées comme le paludisme, le sida, les anémies. Certains évoquent également des facteurs socio-économiques à l’exemple de l’ignorance, la faiblesse des services sanitaires, la culture et la pauvreté. Notons également les coûts des prestations dans les hôpitaux qui demeurent encore élevés. La césarienne, cette opération qui consiste à faire accoucher la femme par voie haute en cas de complications coûte encore au moins 40 000 F CFA au Cameroun. Trop cher surtout quand on sait qu’au Bénin ou au Congo-Brazzaville par exemple l’Etat a instauré la gratuité de la césarienne (En 2009 pour le Bénin et 2011 pour le Congo). Des mesures qui portent déjà leurs fruits dans ces pays.
Pour le Cameroun en retard sur l’atteinte des Objectifs du Milliaire pour le Développement (OMD) dans ce domaine alors que nous avons atteint l’échéance de 2015, le défi s’annonce grand. D’ici 2018 le gouvernement camerounais veut réduire de 25 %, le nombre de décès lié à la naissance. Le 9 mai 2014 a été lancé à Yaoundé un Programme national multisectoriel de lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile chiffré à 30 milliards de F CFA par an pour sa mise en œuvre. Le 3 Juin 2015, le ministre de la Santé André Mama Fouda a procédé au lancement du programme chèque-santé en vue de la couverture sanitaire des femmes enceintes dans la ville de Garoua. Une batterie de mesures dont l’objectif est d’impulser l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant en rendant, entre autres actions préconisées, les soins obstétricaux disponibles à tous les niveaux de la pyramide sanitaire. Car comme l’a si bien dit la princesse Rabiatou Njoya, « Aucune femme ne devrait perdre sa vie parce qu’elle veut donner la vie. La vie est le bien le plus sacré […] Il ne peut y avoir renouvellement de la vie, si nous ne protégeons pas la mère, en rendant les accouchements plus sûrs. »