
Les misères des albinos au Cameroun…
Agressions en tout genre: Les misères des albinos au Cameroun…
Quartier Makèpè, dans la périphérie ouest de la ville de Douala. Au domicile des Kamtchoum*, tout y est pour que le confort de l’habitation prête à une certaine quiétude. Pourtant le cœur n’est pas à la joie dans cette habitation. Carine*, maîtresse des céans, ne le cache pas. La dame entre deux âges ne manque pas d’évoquer son stress. Cette mère de famille vit le martyre depuis sa première couche. Pour la plupart, ses enfants sont astreints à l’immigration forcée. A en croire cette dame, “ quand je montre leurs photos à mes amis, ils ont des attitudes qui me frustrent. ” Une situation que cette mère de famille vit même dans sa propre famille. Pour l’essentiel, ses parents considèrent ses enfants albinos comme l’origine d’une race “ souillée ”.Une perception qui se traduit dans le regard de ses frères, ses sœurs et parents plus ou moins éloignés de la famille.
Albert est vendeur à la sauvette. Ses relations avec sa clientèle ne s’inscrivent pas sur un ciel azuré. Le jeune homme, la trentaine abordée, doit faire face aux regards des “ autres ”. “ Il m’arrive régulièrement de ne pas vendre une marchandise parce qu’un client, après m’avoir regardé, refuse de payer ce que je lui propose. ” Ce n’est pas toujours le cas. Partagé entre sa satisfaction de commerçant et la blessure qu’il traîne depuis sa naissance, le jeune homme en activité dans un quartier à forte rotation commerciale affirme “ il m’arrive d’écouler quelques marchandises parce que certains clients manifeste une certaine pitié à mon endroit. ” Un sentiment dont n’a pas bénéficié Géraldine.
Violée par un taximan
Aujourd’hui âgée de 21 ans, cette diplômée de l’Enseignement supérieur n’a pas oubliée cette soirée de mai 1999 où elle a été violée par un conducteur de taxi. Le conducteur pris en course par la jeune dame a décidé de finir sa course dans un lieu désert de la ville de Douala. Violée par le conducteur, Géraldine* laisse entendre que “ le chauffeur m’a expliqué qu’il devait avoir une relation sexuelle avec moi parce que cela devait lui apporter des chances dans ses affaires. ” Le propos relayés par de nombreuses autres sources laissent dire que marabouts, adeptes de sectes pernicieuses et autres praticiens de rites à consonances ésotériques considèrent les albinos comme dépositaires de quelques pouvoirs… occultes. Des pouvoirs dont l’essentiel se concentreraient dans les substances sexuelles, les ongles, les poils et les cheveux des “ Gueinguerou ” comme on les appelle “ affectueusement ” au Cameroun.
C’est un parent en larmes qui évoque la situation scolaire de sa progéniture. Inscrit dans une école primaire de la ville de Yaoundé, Constant a des raisons d’en vouloir au monde. Pour faciliter l’apprentissage de son fils, ce parent doit recourir à la “ négociation ” pour qu’il occupe une place de choix dans la classe. “ C’est pas bien de le dire. Mais, pour être sûr qu’il peut plus ou moins prendre ses cours, il faut que je glisse quelque chose à son institutrice pour qu’il soit aux premières places. ” Une faveur provisoire. Car, les termes de la négociation peuvent être revus dès l’arrivée d’une nouvelle proposition. Le contact avec les petits camarades révèle les stigmates de la considération que porte la société aux albinos. “ Je commence à m’habituer. C’était plus difficile lorsque ma fille était plus jeune. ” A 22 ans, Ursule fait l’expérience des parents d’albinos. “ Quand je passe avec elle, c’est tout le monde qui l’appelle Gueinguerou. ” Une appellation que de nombreuses sources associent à la caractéristique de la peau des albinos.
Des exigences coûteuses !
Mais il faut aller plus loin pour percevoir le supplice que vivent ces métisses d’un autre genre. Interdiction de consommer des crevettes, des ignames au goût amer, du gombo, de l’huile de palme, du pistache et de nombreux autres aliments qui font l’essentiel de l’alimentation camerounaise ne constituent qu’une partie des problèmes que connaissent ces personnes. Josiane, agent d’entretien dans une entreprise de la place, craint le pire. Avec un revenu en déçà du salaire minimum intersyndical garanti, elle peine à subvenir aux exigences que lui impose l’albinisme de sa progéniture. Des exigences qui s’étendent à l’entretien de l’épiderme de sa fille ainsi que les questions liées à sa vue. Cette mère soutient que “ quand vous voyez certaines personnes albinos avec la peau recouvert de taches, c’est qu’elles ne respectent pas ces règles. ” Des règles auxquelles s’oppose la précarité dans laquelle vivent de nombreux parents et la dureté du climat.
Certes, le Cameroun connaît l’existence d’une association regroupant des albinos, mais la réalité est plus complexe. Ce regroupement dépendant des volontés privées peine à satisfaire aux attentes de la forte demande que connaît le pays. “ Je connais un excellent informaticien qui a des difficultés à garder un emploi parce que soit son patron ne le trouve pas à sa convenance, soit les clients manifestent une certaines animosité à son égard. ”, témoigne un parent d’albinos. Une situation vécue par de nombreux autres albinos qui, en sus, font l’objet d’harcèlements et d’agressions de nature multiple.
Afrique : terre d’intolérance pour les albinos ?
En Afrique, les albinos ont des conditions de vie très difficiles. Cela s’explique en partie par la totale ignorance des peuples sur l’albinisme.
Qu’est-ce que l’albinisme ?
Cette maladie, qui touche environ 1 bébé sur 4 000 en Afrique (contre 20 000 en France), se caractérise par une absence de pigmentation de la peau, des poils et des cheveux, ainsi que par des yeux rouges, à cause de l’absence de mélanine. Cette pathologie peut toucher tous les mammifères, et donc l’homme, en plus des oiseaux, batraciens, poissons et insectes. Les albinos ont une vue déficiente et risquent un cancer de la peau s’ils ne se protègent pas efficacement contre le soleil.
Objets de curiosité, en Afrique, les albinos alimentent les imaginations. Évidemment, l’albinisme se remarque davantage chez une personne noire que blanche.
Les croyances sur les albinos
Dans certains pays africains, les albinos sont mal considérés et persécutés. On les accuse de sorcellerie ou de pratiques magiques. Dans ces pays, les croyances restent vivaces, et l’ignorance fait le reste. De nombreuses légendes circulent sur les albinos. Certains pensent qu’ils disparaissent, mais ne meurent pas, d’autres les imaginent capables de voir la nuit. Enfin, la plupart les considèrent mal développés, et peu intelligents. Toutes ces croyances engendrent des persécutions à l’encontre des albinos.
Exclusion et persécution
Encore aujourd’hui, les albinos africains craignent pour leur vie. En plus de vivre un véritable calvaire à cause du soleil – la plupart des albinos contractent un cancer de la peau avant trente ans, certains doivent aussi se cacher pour ne pas être persécuté, ou faire l’objet d’un sacrifice. Les albinos, qui conservent les caractéristiques propres à leur ethnie, comme les cheveux crépus, sont rejetés et exclus, dès leur plus jeune âge, parfois même au sein de leur propre famille. Dans la rue, les passants changent de trottoirs lorsqu’ils les croisent. Les albinos doivent aussi supporter insultes et crachats. Écartés de la société et montrés du doigt, les personnes atteintes d’albinisme sont parfois assassinées, notamment en zone rurale, où l’influence des sorciers reste très puissante.
Les sacrifices
Les albinos sont conspués par la communauté, cependant, en raison des vertus surnaturelles qu’on leur attribue, certaines parties de leur corps passent pour magiques. Des albinos sont tués dans le but d’un sacrifice. Un vrai trafic d’organes. La peau, les os et les cheveux des albinos sont utilisés pour la confection de potions, et porteraient bonheur. Parmi les pays où ces mutilations ont cours, le Mali, le Cameroun, le Burundi, la République démocratique du Congo ou encore la Tanzanie. Dans ce dernier pays, depuis 2008, il s’agit d’une vraie folie meurtrière. Cette année-là, on recensait 25 albinos tués, dont une enfant de sept mois. Que fait-on pour protéger les albinos ?
Dispositions en Tanzanie
En Tanzanie, suite à tous ces assassinats, le gouvernement a décidé de protéger les albinos, notamment les enfants, en les escortant pour se rendre à l’école. Cette mesure, réalisable en zone urbaine, s’avère plus difficile à appliquer en milieu rural. D’autant plus que les meurtres sont devenus plus nombreux, à cause du contexte social et des sorciers. Ces derniers promettent, avec leur potion, richesse et abondance. Des potions vendues chères, tellement l’ignorance et le manque de culture sont importants. Pour la protection des albinos, un recensement en Tanzanie a été organisé. En 2008, 4 000 albinos étaient recensés dans le pays, mais le nombre réel pouvait atteindre 175 000. Placés dans des centres urbains, les albinos pourraient se sentir plus en sécurité. Cependant, contre toutes ces croyances et superstitions, tout reste encore à faire.
Sources
http://www.cameroonvoice.com/news/article-news-3142.html